Les filtres photographiques
Les filtres photographiques ont beaucoup changé au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, ce mot évoque surtout une série d’actions pour changer les couleurs ou le look d’une image, mais j’aimerais plutôt parler des filtres physiques, dont certains ont évolué en numérique, comme les filtres noir et blanc ou les filtres de balance de blancs, et de ceux qui ne peuvent pas être remplacés parce qu’ils ont un rôle mécanique impossible ou difficile à reproduire numériquement, comme les filtres polarisants et certaines densités neutres. Voici un petit tour d’horizon des différents filtres, de leur évolution et de leurs caractéristiques.
Les filtres UV
Ces filtres bloquent les radiations lumineuses, mais honnêtement, il faut avoir l’œil pour y voir une différence. Leur utilité réside surtout dans la protection qu'ils offrent à vos lentilles contre les poussières, le sable ou les gouttelettes d’eau. Il est important d’investir dans un filtre de bonne qualité, en verre de préférence, afin de ne pas nuire à la qualité de vos images. Dans cette catégorie, on retrouvre des filtres Skylight, qui auront une petite teinte rosée, que vous pouvez bien sûr corriger en postproduction, mais qui n’apportent pas vraiment plus qu’un filtre UV non teinté.
Avantage: Protègent votre lentille.
Désavantages: Pourraient provoquer des reflets parasites (l’utilisation d’un pare-soleil peut régler ce problème), une perte de qualité en matière de contraste et de piqué si le filtre est de mauvaise qualité, abîmée ou mal nettoyé.
Les filtres de balance des blancs
À l’époque de la photographie analogique, la gestion des couleurs pour neutraliser une dominante était tout un casse-tête. On trouvait des films dédiés, comme les films de tungstène, qui avaient une coloration bleue pour contrer la dominante jaune des ampoules incandescentes, mais à la lumière du jour, puisque cette dernière est blanche, cela donnait une jolie teinte de bleu à l’image, à condition que ce soit ce qu’on voulait. La façon la plus simple et précise – et coûteuse – de contrer les dominantes de couleurs était l’utilisation de filtres.
Maintenant, nous pouvons non seulement neutraliser les dominantes par de simples réglages, mais aussi faire une balance des blancs personnalisée à l’aide d’un carton blanc ou gris, puis finaliser en postproduction au besoin. Cette filtration n’est cependant efficace qu’à condition qu’il n’y ait qu’une seule teinte à neutraliser. Dans le cas d’un croisement de courbes, on pourrait penser, par exemple, à une scène qui serait éclairée partiellement d’ampoules incandescentes de 100 W qui donneraient une teinte ambrée (2700 K à 3000 K) et à la lumière du jour, qui est blanche (5500 K à 6500 K), on devra soit faire un choix et filtrer la dominante, celle qui éclaire le point d’intérêt, ce qui teintera forcément la lumière alternative, soit utiliser des gélatines pour filtrer une des deux sources pour neutraliser les deux avec l’option balance de blancs.
Si vous avez eu l’occasion de passer près d’un plateau de tournage, vous avez peut-être vu des fenêtres couvertes de ces gélatines afin de contrôler la température des couleurs provenant de l’extérieur afin de mieux l’harmoniser avec la lumière intérieure. Personnellement, je ne tiens pas à avoir un éclairage complètement neutre, je me contente généralement de filtrer ma source principale et je vis avec la dominante de la source alternative.
La compagnie Lee propose une variété de filtres pour neutraliser ou colorer vos scènes, les gélatines pouvant être mises devant un flash studio. Pour ceux et celles travaillant avec des flashs de type Cobra, Lee vend des échantillons de leur variété de filtres que vous pouvez vous procurer pour une vingtaine de dollars. Ces filtres sont parfaits pour les flashs portables.
Les filtres noir et blanc
Les amateurs de photo noir et blanc qui ont travaillé en analogique connaissent bien les filtres jaunes, oranges, bleus, rouges ou verts utilisés pour ajouter du contraste par couleur pour les prises de vues en noir et blanc.
Les filtres rouges étaient utilisés surtout en portrait pour réduire les rougeurs du visage, les filtres orange rendaient les ciels dramatiques, les filtres verts donnaient du caractère aux visages… Bien que ces filtres pourraient théoriquement être utilisés à la prise de vue sur appareil numérique, cette option serait purement destructive.
En photographie numérique, il est important de toujours photographier en couleur (si vous prenez vos images en format raw, c’est parfait), puis d’appliquer un filtre noir et blanc lors de l’édition de la photo dans votre logiciel de traitement d’image.
Travailler en noir et blanc couleur comporte de nombreux avantages. Pour la photographie noir et blanc monochrome, vous ne pouvez jouer que sur deux réglages: la luminosité et le contraste général de la photo, alors que pour le noir et blanc couleur, vous pouvez ajuster le contraste sur des couleurs spécifiques, comme les filtres le faisaient à l’époque, avec l’avantage de pouvoir jouer sur toutes les couleurs de la photo.
Démonstration en images
Exemple 1:
La photo ci-dessous a été prise en couleur et est non retouchée.
La photo ci-dessous a un filtre noir et blanc sans modification de contraste par couleur.
Je voulais un filtre un peu plus dramatique pour mettre les nuages en valeur. J’ai donc réduit la luminosité des bleus et des aqua, ainsi que celle de l’orange et légèrement celle des jaunes pour réduire la luminosité du sapin.
Exemple 2:
La photo ci-dessous a été prise en couleur et est non retouchée.
La photo ci-dessous a un filtre noir et blanc sans modification de contraste par couleur.
Pour l'image ci-dessous, je voulais faire ressortir l’immeuble en réduisant les bleus et les aqua afin de créer un contraste avec le blanc de l’immeuble.
Les filtres polarisants
Ce filtre est tout simplement magique! Là où il offre les performances les plus impressionnantes, c’est certainement sur les surfaces réfléchissantes comme l’eau ou le verre. En faisant pivoter le filtre, vous pouvez réduire dramatiquement la réflexion sur ces surfaces pour voir, par exemple, les galets sous la surface de l’eau.
Le polarisant peut aussi réduire la luminosité du ciel ou saturer des couleurs. Maintenant, on ne retrouve pratiquement sur le marché que des filtres circulaires, puisque la majorité des appareils photo dslr ou compact pro sont munis d’un léger filtre polarisant intégré et que les filtres linéaires rentrent en conflit et voilent les scènes. Les filtres circulaires sont donc ceux qui doivent être utilisés sur les appareils numériques.
Le principe de ce filtre est de bloquer des rayons lumineux. Pour l’utiliser, vous devez le faire pivoter jusqu’à ce que vous ayez obtenu le résultat désiré. L’angle de la prise de vue influence aussi le résultat. Tout comme pour les densités neutres, il existe différentes qualités, et certains filtres peuvent créer une légère teinte ou une perte de netteté. Je vous recommande un filtre de grand diamètre et d’utiliser les bagues d’ajustement pour pouvoir l’utiliser sur vos différentes lentilles.
Démonstration en images
Ces deux images ont été prises avec une 60 mm, ouverture 5 et à 1/50e de seconde. La seule différence est l’utilisation d’un filtre pour l’image avec polarisant qui permet de couper la réflexion sur l’eau et de lui donner une belle transparence, laissant voir ainsi le fond du ruisseau.
Les filtres à densité neutre
Les filtres à densité neutre ou filtres ND (neutral density) sont des lunettes de soleil pour appareils photo. Ces filtres, qui se déclinent en plusieurs formats, sont très utilisés en photo de paysage ou d’architecture puisqu’ils réduisent la luminosité, permettant d’allonger le temps de pose ou d’augmenter l’ouverture. Le filtre ND s’accompagne d’un nombre qui représente la multiplication du temps de pose. Par exemple, avec un filtre ND4, le temps de pose sera multiplié par quatre, ce qui représente deux crans en perte lumineuse. La gamme des filtres va de ND2 à ND32000, ce qui représente une perte de 15 crans.
Il existe aussi des filtres GDN (dégradé neutre gris), qui voilent partiellement l’image selon l’intensité du gris, ce qui permet de réduire le contraste en réduisant la luminosité du ciel et d’aller chercher le maximum de détails. Ce filtre est de nos jours remplacé par la technique du HDR (high dynamic range ou plage dynamique élevée), qui offre plus de contrôle sur les zones de hautes et basses lumières, mais en cinéma, les filtres GDN demeurent un incontournable puisque la technique du HDR est difficilement applicable.
Il est possible d’obtenir ces filtres en différents formats. Il est à noter que, pour chaque format, on retrouve différentes qualités. De façon générale, bien qu’il s’agisse de densités dites neutres, il y a toujours une petite teinte, facile à corriger en postproduction, mais s’il s’agit d’un filtre d’entrée de gamme, la teinte risque d’être plus présente. De plus, le filtre d’entrée de gamme altérera possiblement la qualité de l’image. Vaut mieux, si vous voulez obtenir des résultats professionnels, investir dans des filtres un peu plus chers, mais qui ne dégraderont pas vos images.
Les filtres ND vissables
Avantages: Moins de lumière parasite et de surface de poussière. Beaucoup de ces filtres sont traités pour offrir une bonne résistance au gras (pensez à vos petits doigts!), se nettoyer facilement et être imperméables (pratique pour la photo extérieure!). Ils fonctionnent bien avec les focales de grands angles.
Désavantages: Si on cumule les filtres, on risque d’avoir un effet de tunnel et, à un certain moment, du vignettage dans l’image. Certains filtres sont conçus spécialement pour ce type de focale et sont moins épais. Lorsque vous utilisez un grand angle, une bague trop épaisse peut créer du vignettage, et si vous utilisez un ultra grand angle, vous courez le risque qu’aucun filtre au diamètre assez grand ne soit disponible.
NOTE: Si vous optez pour les filtres vissables, je vous recommande fortement de prendre le plus grand diamètre (82 mm), si possible, et de vous munir d’une bague d’adaptation (step up, step down ring) pour pouvoir les utiliser sur toutes vos lentilles, sans risque de vignettage.
Les filtres gradués, GND vissables
Avantage: Réduisent la lumière parasite et la surface de poussière.
Désavantage: Bien que le filtre puisse tourner pour s’adapter à la couleur du ciel, le dégradé se fera toujours sur la même proportion de l’image. Ainsi, advenant le cas où le ciel occuperait un quart de la photo et que le GND dégrade jusqu’au milieu, il ne sera pas possible de déplacer le filtre uniquement sur la proportion de l’image qui a besoin d’être filtrée.
Les porte-filtres
Il s’agit d’un réceptacle à fentes vous permettant d’insérer un ou plusieurs filtres, se vissant devant la lentille.
Avantages: Peuvent être utilisés pour les ultra grands angles avec filetage, cumuler différents filtres et sont généralement plus abordable que les filtres vissables. C’est la meilleure façon d’utiliser les filtres dégradés, puisque ce système offre plus de latitude.
Désavantages: Chaque filtre offre deux surfaces sur lesquelles de la poussière peut se déposer et il y a plus de risques d’avoir de la lumière parasite, donc plus de risques de perte de contraste et de piqué.
Les filtres à densité variable
Ces filtres vissables vous permettent généralement de passer de ND2 à ND400. Ceux vendus à bon marché comportent certaines problématiques (voir les désavantages, plus bas), mais leur bon prix peut être l’occasion pour vous de les tester afin de déterminer si vous aimez travailler avec cet outil avant d’investir davantage.
Avantages: Un seul filtre à traîner, plutôt que plusieurs. Permet de focaliser facilement avant de passer à une densité élevée, plutôt que de devoir focaliser ET mettre le filtre, ce qui demande de la précision.
Désavantages: Ce filtre est normalement plus dispendieux à l’achat, mais vous permet une gamme de densités neutres. Je n’ai pas testé tous les filtres, mais pour cet article, j’ai travaillé avec le filtre ND Variable N2-N400 de K&F Concept. Après quelques photos, je réalise que mes photos sont partiellement voilées avec un gros X. Après quelques recherches sur internet, j’apprends que ce filtre est performant pour les focales 35 mm et plus, ce qui est plutôt problématique pour l’usage, puisque ce sont des filtres souvent utilisés en extérieur et pour faire du paysage ou des photos architecturales, ce qui demande souvent de travailler au grand angle. De ce que j’en comprends, ce filtre a aussi un polarisant qui semble entrer en conflit avec le polarisant internet de la caméra. Je n’ai pas été en mesure de confirmer cette information malgré mes recherches.
En gros, chaque type de filtre comporte son lot d’avantages et d’inconvénients, mais si on y met le prix, on peut réduire, mais pas complètement, les problèmes de teintes, bien que certaines soient plus facilement gérables que d’autres, et possiblement les problèmes de voilage.
Démonstration en images
Les deux images ci-dessous ont été prises à une focale de 120 mm, ouverture 36, celle sans densité neutre à 1/4 de seconde, ce qui permet un effet de flou, mais avec une densité neutre d’environ 400 (comme c’est variable, il est difficile de le dire avec précision). J’ai peu augmenté le temps de pose, à 10 secondes.
La photo ci-dessous a été prise en plein jour à ouverture 36, filtrée avec un filtre ND variable au maximum (donc environ ND400), a permis un temps de pose de 10 secondes en plein jour, autour de midi trente.
Sur l'image ci-dessous, on voit le fameux X voilé, bien que je sois à une focale de 120 mm, alors que le fabricant spécifie que le filtre fonctionne sur des focales plus longues que 35 mm.