La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Qui était vraiment la princesse Margaret?

La princesse Margaret célèbrerait ses 90 ans en 2020. Puisque The Crown fait partie des séries télé en tête des nominations dans cette populaire catégorie en prévision de la 77e édition des Golden Globes, qui se tiendra le 5 janvier, je vous offre mon cadeau de Noël à l’avance: un décryptage de la fascination qu’exerce toujours cette femme, peut-être même plus encore depuis l’avènement de la célèbre série américano-britannique diffusée depuis 2016.



C’était écrit dans le ciel qu’elle s’éteindrait avant sa grande sœur, la saine reine Élizabeth II, stricte, réservée, conforme, adéquate, respectueuse de ce qu’on attend d’elle. Margaret du Royaume-Uni, elle, se jouait des conventions. Pour les oublier, elle chantait à tue-tête, se couchait tard, buvait, baisait, fumait (jusqu’à 60 blondes par jour dans son long fume-cigarette), aimait, détestait, s’exprimait, ricanait, s’indignait. Elle s’exhibait, aimait les trips glamour, faisait des erreurs, se relevait, disait mea culpa, puis repartait de plus belle. C’est en faisant à sa belle tête de lionne née un 21 août de l’année 1930 qu’elle a vécu, sans se modérer, sans ralentir vraiment.

C’est en faisant à sa belle tête de lionne née un 21 août de l’année 1930 que la princesse Margaret a vécu, sans se modérer, sans ralentir vraiment. Photo: Par Eric Koch / Anefo — Wikimedia Commons

Normal qu’on évoque encore aujourd’hui sa vie, presque dix-huit ans après sa mort, des suites de plusieurs accidents vasculaires cérébraux, précédant même sa mère d’un peu moins de deux mois. À bien y penser, puisqu’elle vivait à cent milles à l’heure, cette princesse se rapproche sans doute le plus, avec ses failles et «défauts de fabrication», de quelque chose d’accessible, de la réalité, du concret. Plus en tout cas que celles que les princes réveillent de la mort avec des baisers, celles dont les carrosses se transforment en citrouilles après minuit, celles qui se marièrent et eurent beaucoup d’enfants... Il ne serait pas faux de dire que si elle est aussi fascinante, c’est beaucoup parce que plusieurs se reconnaissent dans quelques-uns (ou plusieurs…) des travers qu’elle assumait et qui exaspéraient la famille royale.

La princesse fumait jusqu’à 60 blondes par jour dans son long fume-cigarette. Photo: Alberto Botella, Flickr

Sans être cruelle, selon le magazine Gala du 10 décembre, elle ne se gênait pas non plus pour dire le fond de sa pensée, comme en témoignent ces mots sans équivoque lancés au sujet de Sarah Ferguson, lorsqu’elle a appris son divorce d’avec son neveu le duc d’York, aujourd’hui dans l’eau bouillante après des allégations de nature sexuelle en marge de l’affaire Jeffrey Epstein, qui l’ont d’ailleurs poussé à se retirer de la vie publique: «Dieu merci, il a réussi à se débarrasser de cette affreuse bonne femme.»

Madame Figaro rapporte pour sa part que lors d’un séjour à Hollywood en 1965, alors qu’elle avait 35 ans, elle aurait déclaré à l’endroit de Grace Kelly: «Vous ne ressemblez pas à une star de cinéma.»  Pire encore, devant la bague de fiançailles d’Elizabeth Taylor, elle se serait exclamée: «Est-ce le célèbre diamant? Il est si gros! Comme c’est vulgaire!»

La série: pure fiction ou réalité?

Même Paris Match, qui ne cesse dans ses pages de raconter les aléas de la royauté, a décidé de démêler le vrai du faux quant à ce qu’on relate au sujet de la passionnante défunte princesse dans The Crown (interprétée par Vanessa Kirby, saison 1 et 2, et Helena Bonham-Carter, saison 3).

Conformément à ce qui est révélé dans la série, la reine Élizabeth II aurait bel et bien demandé à sa sœur de retarder l’annonce de ses fiançailles avec Antony Armstrong-Jones, parce qu’enceinte de son troisième enfant, elle souhaitait que ce soit annoncé seulement après la naissance d’Andrew-le-pas-reposant. Les tourtereaux ont donc été obligés de patienter…

Il serait juste aussi d’affirmer que lorsque leur relation commença à s’étioler, la reine Élizabeth II, le prince Philip et la reine mère prirent parti pour lui, tenant Margaret pour responsable du divorce. Preuve de son attachement à son beau-frère, la monarque ne lui retira pas son titre de Lord Snowdon après leur divorce.

Photo: Facebook The Crown

Cependant, contrairement à ce que présente la série, bien qu’elle ait rencontré Lyndon B. Johnson à Washington alors qu’elle effectuait en 1965 une tournée aux États-Unis avec son mari, que tous deux aient été conviés par le couple présidentiel américain à un dîner dansant à la Maison-Blanche, elle n’aurait pas embrassé le président américain pour obtenir un prêt pour le Royaume-Uni. Quand même. Non.

Ses enfants, David et Sarah Armstrong-Jones, respectivement créateur de meubles et artiste peintre, ne se sont pas entichés autant que leur tante de la célèbre série… Ils déploreraient l’image mal dépeinte de leur mère et le trop peu d’attention portée sur la manière dont elle pouvait être aimante et généreuse, toujours partante pour amener ses enfants partout avec elle, tout en les laissant libres de devenir ce qu’ils avaient envie d’être. À la mort de cette dernière, ils avaient d’ailleurs été obligés, à contrecœur, de vendre des objets personnels de la princesse pour payer d’immenses frais de succession.

Si, par miracle, elle était encore à l’heure actuelle vivante et en grande forme, il y a fort à parier que la princesse Margaret aurait aimé s’afficher sur les réseaux sociaux, faire la une des magazines de mode, se tenir avec Margaret Atwood, fréquenter les Obama, commenter le Brexit et la présidence de Trump. Elle aurait donné une bonne claque en arrière de la tête d’Andrew, critiqué les tenues de Camilla et entretenu sans aucune pudeur une relation sentimentale avec un homme plus jeune qu’elle – ou pas –, sans doute un artiste un peu ténébreux. Ses petits-enfants auraient adoré pouvoir se vanter d’avoir une princesse pas comme les autres comme grand-maman, un modèle de non-conformisme, de parfaite imparfaite loin des cadres établis de la royauté, qu’il est d’ailleurs peut-être temps de remettre au goût du jour.

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