La saveur du jour
La Tabatière: se réinventer par l’agriculture
Comme partout au Québec, le sol de La Tabatière est désormais recouvert d’un tapis blanc. Dans ce village anglophone de la Basse-Côte-Nord, isolé du reste du Québec, la neige recouvre aujourd’hui les plants de camerises et de chicoutais qui pourraient donner un second souffle à l’économie de la communauté.
Wanita Jones, les yeux bleus perçants, nous attendait au quai à notre sortie du Bella Desgagnés, ce cargo qui ravitaille en denrées et autres biens les villages de la Basse-Côte-Nord non reliés par la route au reste du Québec.
Sur le quai, ses collègues avaient installé quelques produits agroalimentaires et artisanaux derrière une fourgonnette afin de les vendre aux touristes qui touchaient la terre ferme pour quelques heures. Les confitures et les gelées ont fait fureur.
Puis, à cinq minutes du port, au bout d’une route de gravier entourée de conifères, Wanita nous mène là où elle met toutes ses énergies depuis 2018: au projet d’agriculture de la communauté.
C’est qu’en 2011, dans ce village de pêcheurs, 75 personnes sur une population de 400 se sont retrouvées sans travail. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, pour aider la communauté, leur a alors suggéré de se lancer dans l’agriculture, tout particulièrement dans la culture de la camerise, un petit fruit en émergence au Québec. «Nous sommes une communauté de pêcheurs, explique Wanita, originaire de La Tabatière. On ne savait pas trop si c’était une bonne idée, ni comment faire, mais il fallait essayer!»
C’est ainsi que poussent désormais à La Tabatière des plants de camerises, dont le nombre augmente de façon constante depuis les débuts du projet.
Des tests sont aussi faits pour la chicoutai, un fruit qui pousse naturellement sur le territoire de la Côte-Nord. Mais La Tabatière, le seul endroit en Amérique du Nord à tenter de le cultiver, devra user de patience: il faut sept ans à l’arbuste pour faire un fruit.
Avec ce projet, l’objectif principal est de créer des emplois, bien sûr, mais aussi de fournir en produits frais les gens de la communauté, qui ont peu accès à des fruits et légumes.
Mais sur un site aride où il a fallu faire venir toute la terre, sans électricité et où la météo est fraîche, les imprévus et les défis sont nombreux. Tout de même, le projet, qui permet de faire travailler 15 personnes pendant l’été, continue.
Cet hiver, Wanita tirera avantage des longs mois froids pour rechercher du financement, demander à des experts de les visiter le printemps prochain et organiser la prochaine saison. Et elle en profitera pour rêver: à des serres chauffées, à des légumes frais cultivés à La Tabatière, à des plants qui vont jusqu’au plafond, à un kiosque de produits frais dans le village, à une certaine autonomie alimentaire… entre autres.