Livres de la semaine
La petite histoire de la Sagouine, Viola Léger
La comédienne Viola Léger, unique interprète de La Sagouine d’Antonine Maillet depuis 1971, raconte ce personnage et une foule d’anecdotes dans cet ouvrage touchant.
Résumé
Écrit par Viola Léger entre 1971 et 1976, ce récit est d’une valeur documentaire et archivistique inestimable pour qui veut découvrir comment la comédienne a fait évoluer le personnage emblématique créé par Antonine Maillet. Viola Léger a incarné la Sagouine plus de 2 000 fois sur scène en 35 ans de carrière.
Une préface de Gabriel Robichaud et un cahier photos accompagnent le texte.
EXTRAIT
Impossible d’être objective face à ce texte. La Sagouine c’était mon père, ma mère, ma voisine, mes oncles, mes tantes, le curé, la paroisse, mon pays. D’emblée j’étais La Sagouine.
En même temps, Tonine me demande si je n’aimerais pas « jouer » La Sagouine « entre nous », chez nous, presque en famille, et elle ajoute une phrase au début de son texte, avant la publication: « Pièce pour femme seule »; ce fut la seule phrase avec laquelle je n’étais pas d’accord. Car à ce moment-là, le théâtre pour moi c’était l’action, l’éclatement d’un conflit entre deux êtres ou deux évènements. À la lecture du texte, assise dans ma chaise berceuse, je me sentais directement impliquée comme partenaire de La Sagouine : elle et moi ; elle raconte et moi j’écoute. Nous étions à huis clos ; une conversation profondément intime se déroulait entre nous deux. Je voyais mal qu’on puisse reproduire cette intimité sur la grande scène d’un théâtre, avec des centaines de spectateurs. Il y avait, en plus, la construction de chaque monologue/dialogue : ayant été écrit pour la radio, chaque sujet comportait une entité de quinze minutes. Le seul lien entre chaque monologue devenait la Sagouine elle-même. Or comment arriver à l’unité scénique? Comment créer le passage d’un monologue à l’autre ? Mais à cause de ma proximité avec la Sagouine, une des caractéristiques les plus essentielles de ce grand personnage m’échappait : la raconteuse. La Sagouine raconte sa vie, son âme, sa jeunesse, son printemps, sa mort. D’abord et avant tout, la Sagouine parle à quelqu’un : à elle-même, au voisin, à Gapi, au prêtre, aux jeunes, à moi. Et moi j’écoute, ainsi que le voisin, et Gapi, et les autres. Or « parler et écouter » sont action. La parole est l’expression orale de la pensée ; la parole est un fruit ; la parole est l’effet extérieur d’une cause intérieure. Antonine Maillet a donné la Parole à sa Sagouine; et elle m’invitait à incarner cette Parole, à donner chair et os à sa Sagouine. La Sagouine seule était action, était conflit. Tonine avait raison.
La petite histoire de la Sagouine, Viola Léger. Éditions Perce-Neige. 2017. 170 pages. 25$.