Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

Des millions pour les Kings à Québec? NON!!!

Indécent, injustifiable, intolérable. Ce sont les mots qui viennent à l’esprit en apprenant que le ministre des Finances Eric Girard a autorisé une subvention de 5 à 7 millions $ afin de permettre à l’équipe de hockey professionnel de Los Angeles, les Kings, de venir livrer deux parties hors concours au Centre Vidéotron, à Québec, début octobre 2024.



C’est indécent, injustifiable et intolérable parce que le ministre, passionné de hockey, préparait la chose depuis un petit moment, bien avant de livrer la semaine dernière une mise à jour économique où il demandait à tous les Québécois de se serrer la ceinture en prévision de la récession à venir.

On savait déjà que cette mise à jour austère n’était qu’un alibi. Après deux budgets jovialistes, il convenait de noircir le portrait pour bien préparer le terrain pour la position de son gouvernement dans ses négociations avec les enseignants et le personnel hospitalier, notamment. Mais personne ne s’attendait à voir un ministre réputé «sérieux» se dédire publiquement de manière aussi spectaculaire.

Certes, un gouvernement moderne doit gérer la complexité: il doit être beaucoup de choses à la fois pour tout le monde. En clair, il doit gérer bien des priorités. Certaines priorités, comme la santé ou l’éducation, sont plus prioritaires que d’autres. Ce qui ne l’empêche nullement de consacrer de fortes ressources à d’autres questions prioritaires comme la culture, les aînés, l’environnement, le développement économique, les affaires sociales, la diplomatie – et même l’activité sportive. C’est le propre d’un gouvernement éclairé de jongler avec toutes ses obligations selon leur niveau de priorité.

Mais 5 à 7 millions pour un club de hockeyeurs millionnaires étrangers appartenant à des milliardaires américains? NON!

5 à 7 millions $, ce n’est pas énorme, mais dans le contexte économique actuel, alors que les banques alimentaires ne peuvent pas suffire à la demande et que le même ministre nous prévient qu’il faudra se serrer la ceinture, c’est complètement inacceptable. Photo: Depositphotos

Un choix indéfendable

Que des groupes défendent leurs intérêts, cela fait partie du jeu, et il appartient au gouvernement d’arbitrer. Des 5 à 7 millions $, il en refuse beaucoup.

Sachant la multitude d’investissements et de contributions du gouvernement, les personnes de bonne volonté lui reconnaissent même le droit à l’erreur. Il est légitime de s’indigner pour les dizaines de millions perdus dans l’informatisation bâclée de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Mais il faut reconnaître que l’intention était méritoire au départ, même si l’exécution a été épouvantable. De même, on peut se poser bien des questions sur les milliards que le gouvernement du Québec engouffre actuellement dans la filière batterie, même si l’enjeu est légitime: il s’agit de profiter d’une transition énergétique (qui coûtera des milliards de toute façon) afin de bâtir ex nihilo un nouveau secteur industriel. L’avenir nous dira si le pari en aura valu la chandelle.

Mais 5 à 7 millions $ pour un match préparatoire des Kings à Québec? En subventionnant une telle activité, le ministre Girard n’essaie rien, ne réalise rien, ne prépare rien. Au mieux, il tente de faire plaisir à la région de Québec, où le troisième lien et le tramway ont fait déchanter pas mal de monde. Et il se justifie notamment par le fait que Vidéotron ne perdra pas d’argent dans l’opération Kings (!!!)

Sachant que le Canadien serait venu à Québec gratis, comme l’a révélé Alexandre Pratt de La Presse, on est bien obligé de se demander quelle mouche a bien pu piquer le ministre Girard pour qu’il aille ainsi lancer la rondelle dans son propre filet.

Le pire réside peut-être dans l’attitude. Eric Girard a fait son annonce en personne, tout sourire, en compagnie d’un autre ministre, Jonathan Julien (Infrastructures, et responsables de la région de Québec).

Cette fierté déplacée par ces temps d’inflation galopante, de crise du logement et de systèmes de santé et d’éduction à bout de souffle confirme un côté brouillon parfaitement assumé du gouvernement caquiste depuis 2018.

5 à 7 millions $, ce n’est pas énorme, mais dans le contexte économique actuel, alors que les banques alimentaires ne peuvent pas suffire à la demande et que le même ministre nous prévient qu’il faudra se serrer la ceinture, c’est complètement inacceptable.

 

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Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.