Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

Mini-budget à Québec: encore bien du chemin à faire pour les aînés

Surnommée «mini-budget», la mise à jour économique du ministre des Finances Eric Girard nous apprend que l’économie va beaucoup mieux que prévu, avec une croissance de 6,5% au Québec, contre 5% en moyenne pour l’ensemble du pays. Le déficit, qui avait été prévu à hauteur de 15 milliards $, est aussi moitié moindre. Résultat, le ministre disposait donc de 5 milliards $ de revenus imprévus à distribuer. Voilà pour les bonnes nouvelles. Mais en regardant de près, on constate que la distribution est moins généreuse qu’il n’y parait, et dans certains dossiers, notamment ceux des aînés, qu’on est encore bien loin de répondre aux besoins réels.



On assiste plutôt à une opération de saupoudrage préélectoral. Outre les aînés, les personnes à faible revenu et les étudiants ont l’air d’y trouver leur compte, mais quand on examine les détails de près, on constate que les bonnes nouvelles en masquent de moins bonnes – et même certaines tendances plutôt inquiétantes.

Par exemple, le fait que le ministre Girard double de 200 à 400$ le «crédit d’impôt pour soutien aux aînés» est une excellente nouvelle. Il annonce également pour janvier une «prestation exceptionnelle pour le coût de la vie» de 275$ pour tous les Québécois qui gagnent moins de 50 645$ ou 55 912$ pour les couples. Autrement dit, si on combine les deux, les aînés à faible revenu recevront 675$.

Mais la tranche de 275$ est seulement ponctuelle, et l’augmentation récurrente de 200 à 400$ du crédit d’impôt est très en deçà des besoins réels, comme nous l’avons redit dans plusieurs éditoriaux et comme le dénoncent depuis longtemps des organismes comme le Réseau FADOQ. De plus, le ministre Girard donne l’impression d’aller dans le même sens que le gouvernement fédéral, qui crée deux classes d’aînés avec sa récente mesure, puisque sa hausse du «crédit d’impôt» est destinée aux 70 ans et plus. Pourtant, les aînés de 65 à 69 ans qui ont peu de revenus en arrachent autant que les premiers! Mesure que nous avions aussi critiquée.

Le ministre Girard a annoncé qu’il bonifiera l’allocation-logement pour les personnes à faible revenu de 80 à 100$, en plus de subventionner la construction de 2 200 logements sociaux.

Mais encore là, la bonne nouvelle en cache de moins bonnes. Vu l’augmentation des loyers des dernières années, il faudrait que l’allocation-logement monte à 150$. Quant aux logements à prix modique, la demande est plutôt de 15 000 unités, pas de 2 200. Au lieu de quoi, 15 000 personnes recevront une allocation-logement insuffisante!

En matière d’emploi et d’éducation, le gouvernement privilégie ses propres besoins en tant qu’employeur. Par exemple, les retraités du secteur de la santé et de l’éducation se verront offrir une prime de 3 000$ pour reprendre le collier.

C’est la seule mesure qui concerne les travailleurs expérimentés. Le gouvernement n’ajoutera rien au crédit pour la prolongation de carrière, qui demeure non remboursable, et il ne fera pas les nombreux ajustements réclamés aux règles, assez techniques, de rente de Retraite Québec.

Les étudiants peuvent s’attendre à des bourses augmentées de 1 500$ pour le cégep et 2 500$ pour les étudiants universitaires. Mais alors que le marché de travail réclame plus de techniciens, ce sont les étudiants universitaires en santé, en éducation, en service de garde, en génie et en technologie de l’information qui en sortent gagnants. Encore là, le gouvernement s’attaque à ses problèmes d’embauche plutôt qu’à ceux du reste de l’économie – où plus de 250 000 postes affichés ne sont pas pourvus.

En regardant le mini-budget de près, on constate que la distribution est moins généreuse qu’il n’y parait, et dans certains dossiers, notamment ceux des aînés, qu’on est encore bien loin de répondre aux besoins réels. Photo: Depositphotos

Encore des mesures régressives

Le ministre Girard vient consacrer plusieurs mesures régressives, que le gouvernement du Québec s’entête à ne pas corriger malgré le bon sens.

Il n’est toujours pas question, par exemple, d’instaurer une couverture décente (par subvention ou par l’assurance maladie) pour les lunettes et les appareils auditifs. Or, les problèmes de vision ou d’audition frappent presque tous les aînés, et plus particulièrement ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des lunettes coûteuses ou une deuxième prothèse auditive. Car, rappelons-le, l’assurance maladie ne rembourse qu’une prothèse auditive alors qu’il en faut généralement deux.

Plusieurs dispositions parmi celles annoncées par le ministre sont plutôt alarmantes. Par exemple, la généreuse bonification du crédit d’impôt remboursable pour les frais de garde dans les garderies non subventionnées profitera davantage aux riches qu’aux moins nantis. Un revenu familial de 175 000$ et plus donnera droit à un crédit de 4 300$, alors qu’une famille qui touche 70 000$ n’aura droit qu’à un crédit de 1 310$. Et à 30 000$, le gain n’est que de 338$. Pour le même service. Plus régressif que ça, tu meurs!

Certes, une mise à jour budgétaire, même si elle est présentée comme un mini-budget, n’est pas un budget. Il faudra attendre le vrai budget au printemps pour voir de quel bois il se chauffe, notamment en culture et en arts, mais aussi pour la politique énergétique, notamment sur la production d’hydrogène.

À quelle sauce voudra-t-il apprêter l’électorat? À en juger par les épices qu’il nous sert, la saveur sera très électorale. Les aînés et les moins nantis auront-ils leur place dans ce budget?

 

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Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.