Le design au service des réfugiés
Changements climatiques, catastrophes naturelles, manque de logement abordable… Les architectes et les designers sont de plus en plus appelés à trouver des solutions aux problèmes sociaux de notre époque, incluant la crise des migrants. Avenues vous explique de quelle façon les concepteurs viennent en aide aux réfugiés.
IKEA s’implique
Ce n’est pas pour sa bibliothèque Billy ou son fauteuil Poäng qu’IKEA a reçu le Prix Beazley du meilleur design de 2016, mais bien pour son abri pour réfugiés. Le Better Shelter est fait d'acier et de panneaux de polymère. Léger, il est emballé à plat, comme IKEA le fait pour ses meubles. L’abri est donc facilement transportable et peut être assemblé en quatre heures avec les outils compris dans la boîte.
Le panneau solaire fournit suffisamment d’énergie pour alimenter les lumières et l’électricité ou pour charger un téléphone mobile. Chaque abri de 17,5 mètres carrés est conçu pour durer au moins trois ans. Plus de 30 000 sont utilisés à travers le monde, notamment en Grèce.
Le détaillant compte également vendre des tapis et des textiles fabriqués par des réfugiés syriens dès 2019. L’initiative créerait de l’emploi pour 200 migrants, principalement des femmes, habitant actuellement en Jordanie.
D’autres toits
Le géant suédois n’est pas le seul à avoir conçu des abris pour les situations d’urgence. L’architecte et professeur Rabih Shibli a de son côté imaginé le Ghata, un abri multifonctions avec un revêtement en contreplaqué. Ce dernier a déjà fait ses preuves au Liban, où la structure est surtout utilisée comme école. Plus de 3700 enfants à Beqqa reçoivent une éducation grâce à ce projet. En mettant l’accent sur l’utilisation de matériaux locaux et faciles d’accès, l’architecte espère que le Ghata encouragera les réfugiés à construire leur abri eux-mêmes.
L’architecte italien Mario Cucinella a pour sa part dessiné l’Abitazione per la pace (l’habitat pour la paix). Ce projet est conçu pour accueillir des réfugiés dans le sud de l’Italie. La charpente en bois supportera un toit en bambou faisant penser aux ailes d’un papillon. Les espaces modulables logeraient les familles. La première maison serait livrée dans les prochains mois.
L’an dernier, le concours international What Design Can Do Refugee Challenge, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et la Fondation IKEA, a remis son premier prix à un autre abri, l’AGRIshelter.
Ce projet est présenté comme une solution à la pénurie de logements pour réfugiés. Les abris sont faits de matériaux biodégradables durables, faciles à trouver et offrant une bonne isolation. La fondation est en bois préfabriqué, les murs en ballots de foin, les portes en bois et le toit en toile pliée. La structure permet de recueillir l’eau de pluie et les habitants ont de l'espace pour cultiver un potager. Les unités de 35 mètres carrés sont conçues pour être érigées sur les terrains vacants des villes. De cette façon, il n’y aurait pas de formation de ghettos.
Des propositions de toutes sortes
Toujours au concours What Design Can Do, un autre projet a retenu l’attention du jury. Eat & Meet propose d’utiliser la nourriture pour favoriser les échanges entre les cultures. Les concepteurs transformeraient des autobus urbains en camions de rue où les réfugiés pourraient cuisiner et vendre leurs plats traditionnels. À l’arrière de l’autobus, un espace social permettrait les rencontres.
Imaginée par Bibliothèques Sans Frontières (BSF) en collaboration avec le designer Philippe Starck et l’UNHCR, l’Ideas Box est une bibliothèque en kit qui tient dans six boîtes et se transporte facilement. «On parle beaucoup des besoins élémentaires, mais une fois que ceux-ci sont couverts, les gens ont besoin d’autre chose. La première chose que l’on voit dans un camp de déplacés, c’est l’ennui», expliquait dans une entrevue Jérémy Lachal, cofondateur et directeur de BSF. Les réfugiés ont ainsi accès à des livres, des jeux de société, des films, des caméras, des ordinateurs portables, des tablettes, des liseuses ainsi qu’à une connexion Internet.
Le projet lauréat du concours Elsinore’s Design to Improve Life est de son côté tout simple. Conçue par des élèves danois, il s’agit d’une petite «valise de bienvenue». À l’intérieur: livres, jeux et marionnettes pour aider les enfants réfugiés à apprendre la langue locale de façon amusante.
Les propositions ne s’arrêtent pas là. Du chargeur solaire portatif à la transformation des vestes de sauvetage en objets utiles, les idées abondent pour aider les réfugiés. C’est la preuve que les designers et les architectes peuvent non seulement enjoliver notre vie, ils ont désormais le pouvoir d'initier des changements sociaux. Ou à tout le moins d'entamer une discussion.